Tomb Raider – L’Antre du Greil
Enfin ! Après un Tomb Raider Underworld qui faisait honneur à la licence sans la sublimer et un Lara Croft and the Guardian of Light de bonne facture mais un peu hors série, la belle aventurière reviens dans un titre reboot des plus prometteur. Largement teasé avant sa sortie, ce Tomb Raider, avant d’avoir l’attention des joueurs, avait largement attisé leur curiosité. Un personnage rajeuni, un univers plus tourmenté et toujours plus travaillé et surtout une nette tendance de la jeune débutante à se mettre dans la merde jusqu’au cou, tels étaient les ingrédients mis en avant par Square Enix au moment de dévoiler la bête. Alors en plus, quand on leur promet de vivre l’éclosion de l’héroïne mythique du jeu vidéo, il n’en fallait pas plus aux fans pour trépigner d’impatience. Pari tenu ? Réponse en mots et en image dans le test de l’un des blockbusters de cette année 2013… (Alors oui, pour un premier Day One, on aurait pu faire mieux sur la ponctualité, mais que voulez-vous, c’t’artisanal chez nous ma bonne dame, c’est roulé sous les aisselles tout ça, pis nous on fini le jeu avant d’en parler, on passe pas 10 minutes dessus et roulez jeunesse ! Pis on est tout seul dans ma tête hein… C’pas facile non plus…)
Les trailers de lancement auront certes gâché la surprise, mais dès les premiers instants, un constat s’impose : ce Tomb Raider en met plein les yeux ! On retrouve en effet la jeune Croft, prise dans une tempête au beau milieu de l’océan pour finir échouée sur une île inconnue. Ses aventures l’amèneront à crapahuter un peu partout dans cette île riche et vivante, aux environnements véritablement enchanteurs. La faune et la flore, bien qu’assez peu diversifiées, ont été soignées jusque dans les moindres détails. Le premier contact avec un niveau un peu ouvert, dans une forêt parcourues de rayons de soleil filtrant dans les nuages de spores, donne tout de suite le ton : on est en présence d’un titre travaillé et inspiré. Plus tard, que ce soit dans des tombes sordides ou des structures délabrées par le temps, l’oeil trouve à chaque fois de quoi s’émerveiller, dans les jeux de lumière (l’utilisation des torches est pour ça particulièrement réussie), le mobilier ou les détails de l’environnement. Le rendu est d’autant plus spectaculaire quand on nous lâche une tempête tropicale sur la gueule, tant d’un point de vue graphique qu’acoustique. Les artistes de Crystal Dynamics ont donc parfaitement mis à profit le temps qui leur était imparti pour développer ce titre. L’aventure est ainsi d’autant plus prenante : on imagine facilement les sentiments de Lara quand elle entend les meutes de loups l’entourer dans la nuit ou la trouille à chaque angle d’une grotte mal éclairée. Le plaisir de découvrir cet environnement accentue une certaine déception, celle de ne pas pouvoir réellement explorer à proprement parler : on est dans un monde très fermé (même s’il est possible de revenir en arrière pour fouiller à nouveau les niveaux) qui laisse peu de place aux découvertes hasardeuses… Mais une chose est claire, sur un jeu à monde ouvert, il aurait été difficile d’arriver à une telle esthétique.
Contrairement aux autres filles de sa génération, Lara n’écoute pas du One Direction sur son iPhone… C’eut été l’épreuve la plus éprouvente, la torture de trop pour notre héroïne qui se dit, tout au long de son aventure : « Un précipice ? M’en fou, tant que y a pas 1D ou Justin Bieber de l’autre côté ! » « Franchement, des loups… J’aurais pu être encerclée par des Beliebers… Là c’aurait été la merde ! »
Si en fouillant un peu, on sentira effectivement les limites imposées au joueur, l’air de jeu proposée est quand même diablement honorable. A chaque niveau parcouru, l’objectif pourra être rejoint de plusieurs manières et les chemins empruntés pour rejoindre ces points ne sont finalement qu’une petite partie de la zone. Le reste regorge de coffres à ouvrir et de petits défis à accomplir pour gagner de l’expérience. On pourra donc passer beaucoup de temps à arpenter une zone pour être sûr de ne rien oublier derrière soit. C’est là que l’aspect plate-formes entre en jeu puisqu’en passant par des bidonvilles, des villages antiques ou des bunkers abandonnés, Lara a tout le loisir de montrer ce qu’elle sait faire pour avancer. En sautant par dessus un précipice, en rampant, parfois au bord de la noyade ou à deux doigts de la chute mortelle, la jeune aventurière présente une habilité à toute épreuve. Sans révolutionner les classiques, Lara Croft se distingue pourtant dans les détails soignés. Ce sont des trucs tout bêtes, mais la voir poser sa main sur un mur quand elle passe près d’une paroi ou trébucher dans les feuillages émerveille à chaque fois et fait presque oublier au joueur que c’est lui qui guide ses pas. Le gameplay intuitif renforce cette impression de facilité. Ici, pas de risque de voir la belle oublier de s’accrocher à un rebord ou refuser de sauter où vous le voulez. En plus d’être un beau jeu, ce Tomb Raider est intelligent et permet, avec deux touches, de faire progresser l’héroïne avec une simplicité déconcertante. En gros, elle, elle va en chier grave, c’est clair, mais pour vous, ce sera que du bonheur ! Pourtant, si le gameplay est aussi bien pensé que réalisé, un détail a retenu mon attention : le passage du mode exploration au mode combat. Crystal Dynamics a ici fait un choix ambitieux. Là où la plupart des titres choisissent de séparer ces deux phases de jeu par une action du joueur, la transition est ici entièrement automatisée. Ainsi, quand vous arrivez dans une zone remplie d’ennemi, Lara se baisse pour être discrète et fait du moindre obstacle une couverture en cas de coups de feu. Heureusement, à l’utilisation, il n’y a pas d’accro : en étant un peu prudent, c’est normal, on arrive généralement facilement à profiter de cette transition pour prendre les ennemis par surprise. Toutefois, il gâche un peu l’impression du joueur puisqu’il ne lui faudra pas longtemps pour intégrer ce système et en tirer profit. On est donc jamais surpris de trouver un ennemi pas loin et surtout, on sait à quel moment le combat se termine. Ainsi, après avoir nettoyé une zone à l’arc, il suffit d’attendre que Lara se redresse pour continuer la progression plutôt que d’avancer prudemment en espérant de ne pas avoir oublié de trainard. Dommage donc qu’un mécanisme pourtant bien maîtrisé vienne enlever un certain aspect de l’immersion. Pour les QTE, c’est carrément le constat inverse qui s’impose : celle-ci sont parfaitement intégrées au gameplay, accessibles à souhait et n’enlèvent au rien à l’esprit du titre. Pour une fois que je gueule pas sur un système de QTE…
« L’aventure forme la jeunesse qui disaient… Par à l’aventure, tu verras, c’est marrant, qui disaient… »
Malgré ce défaut sur les combats, l’immersion est bien présente. On l’a dit, point de vue exploration, tout est fait pour faire vibrer le joueur. Mais les phases d’actions ne sont pas en reste. En effet, aux niveaux d’exploration répondent des passages d’action pure et dure motivées par exemple par l’écroulement d’un bâtiment ou un incendie. Lara devra donc trouver un moyen de s’en sortir dans des situations catastrophiques. Ces passages donnent lieu à des séquences époustouflantes faisant passer un Call of Duty pour une balade dominicale, mettant parfois les réflexes du joueur à rude épreuve et pouvant occasionner des morts douloureuses (voir Lara Croft s’empaler sur un long pic métallique qui vient se loger sous sa mâchoire, ça fait po rire les mouettes !) Les gunfights ne sont pas en reste : tantôt dans un endroit étriqué d’où il sera difficile de se dépêtrer, tantôt dans un environnement plus dégagé et sur plusieurs niveaux, chaque fusillade sera un spectacle. Alors non, la dextérité et les nerfs du joueur ne seront pas mis à rude épreuve comme dans un Max Payne, mais ces phases ne perdent pas pour autant de leur intérêt. Les balles fusent dans tout les sens, faisant voler en éclat un élément de couverture un peu trop fragile. Les ennemis en face sont bien équipés puisqu’en plus d’arcs ou de fusils d’assaut, ils pourront facilement vous forcer à vous découvrir à l’aide de dynamite ou de flèches enflammées. Le mode combat de Lara se montre alors particulièrement efficace et, à l’image du reste, complètement intuitif. On change d’arme en fonction des besoins à une vitesse impressionnante, on passe d’un abri à l’autre, on est efficace sur les ennemis distant comme sur ceux qui chargent au corps à corps. Le summum, c’est certainement l’arc. Si dans d’autres titres, cette arme (très à la mode hein… m’en fou j’adore !) sert surtout aux attaques préliminaires, Lara Croft se transforme vite en Légolas. Ça tombe bien, violenter une bande d’ennemi à l’arc, c’est carrément classe. Par contre, pour la crédibilité, on repassera. Dès qu’elle met la main sur l’arc, Lara sait s’en servir à la perfection. Rien n’est prévu pour symboliser sa progression dans l’utilisation des différentes armes, elle qui a priori n’a reçu qu’un entraînement de base (limite théorique…) Si vous pouvez améliorer vos armes, vous n’aurez donc pas la sensation de voir Lara progresser au combat. Ce ne sont pas les quelques éliminations débloquables qui remplaceront la réalisme d’une précision ou d’une stabilité évolutive qui n’auraient vraiment pas déteint dans un titre à l’aspect survival finalement purement scénaristique.
« Bordel à cul, mes cheveux vont friser… » (J’avais évité tout propos misogyne ou quoi dans cette chronique quand soudain, c’est le drame…)
En effet, si Lara va évoluer au court de son aventure, tant sur le plan physique quand dans son équipement, on ne ressent que très peu l’impression de manque qu’un héros perdu sur une île déserte devrait subir. Si un système de faim aurait vite tourné au calvaire façon malaria dans FarCry 2, on arrive trop vite à trouver (pour peu de prendre un peu de temps pour fouiller les niveaux, bien-sûr) les composants nécessaires à l’amélioration des armes. L’obtention d’expérience régule bien la progression, mais l’arsenal est lui très vite monté au meilleur niveau d’autant que les munitions viennent rarement à manquer grâce aux compétences de récupération débloquables très tôt. Là encore, il s’agit d’un détail plus qu’un défaut majeur, d’autant que le système de craft est purement décoratif : on récupère des « matériaux » et on upgrade, basta. De même, la volonté n’est pas de mettre en valeur l’arsenal mais bien le personnage. Surtout que cet aspect est finalement assez fidèle à l’esprit de la série : quatre classes d’armes et des gunfights pouvant durer en longueur. Mais on reste quand même sur le sentiment qu’on nous avait vendu un Tomb Raider sauce survivor et que ces ingrédients manquent à l’appel. De plus, si les ennemis en groupe vous donneront un peu de fil à retordre, la difficulté du titre n’est vraiment pas insurmontable. Les méchants arrivent par vague, on est donc rarement débordé, pas (ou presque) de boss ou d’adversaire se démarquant du bandit standard… Pour ceux qui préfèrent la tactique sournoise, on remarque que les PNJ ne sont clairement pas des lumières : s’ils ne voient pas le corps tomber sous leur yeux (auquel cas vous êtes généralement repéré, même avec un silencieux), il mettent des heures à appeler des renforts alors que leurs copains gît, crevé, sous leurs yeux. Quand ils découvrent le corps, bien-sûr… En Normal, le titre se traverse sans réellement transpirer. Même les (trop rares) tombes à piller, pourtant primordiales dans un Tomb Raider, ne donnent pas un réel challenge. Un mécanisme à résoudre permet d’atteindre un coffre plus rempli que les autres et une carte révélant les objets à récupérer dans le niveau. Pour un Tomb Raider, ça manque clairement de Tomb et de Raider, mais aussi de méchants animaux pas beau. Quelques loups de temps en temps, pas un seul petit tigre à se mettre sous la dent… Où est l’esprit d’origine dans tout ça ? Cerise sur le gâteau : l’instinct (le mode de vision alternatif) viens, comme dans Hitman, simplifier la résolution d’un niveau en révélant les éléments clés ou trésors… En étant un peu pointilleux, on pourrait presque crier à l’assistanat… En bref et un peu à l’image générale du jeu, on a l’impression que la matière est là mais que le tout manque d’un soupçon d’ambition et authenticité : des tombes plus élaborées, un aspect survie mieux retranscrit, voilà qui ne ferait pas tâche dans un cocktail déjà bien explosif. Le titre est tout à fait excellent, mais on cherche désespérément certains éléments essentiels à un Tomb Raider qui manquent cruellement à l’appel…
Alerte Enlèvement : si vous avez vu une tombe dans ce Tomb Raider, merci de la signaler aux forces de l’ordre dans les plus brefs délais, récompense à la clé.
Pour finir de parler de ce Tomb Raider en beauté et comme si je n’avais pas été assez élogieux jusque-là, parlons de l’histoire développée et de sa narration. Il faut être honnête, Crystal Dynamics ne s’est pas bien foulé : on se croirait dans Lost avec un soupçons (c’est légitime) d’Indiana Jones. En gros, l’île sur laquelle Lara débarque emprisonne mystérieusement ceux qui y échouent. Impossible de s’en échapper, d’autant qu’une belle bande de détraqués se livre à des rapts sur tout ceux qui arrivent. En gros, vous avez les Autres, vous avez l’île mystérieuse bourrée d’installations scientifiques des années 50, les épaves d’avion… Il ne manque que le Docteur Shepard et un ours blanc pour confondre Lara Croft et Kate Austen (cela dit, s’ils veulent remplacer Angelina Jolie par Evangeline Lilly pour la prochaine adaptation de Tomb Raider au cinéma, je prend hein…) Bon, quand même, au lieu d’un mystérieux champ magnétique de l’espace Shengen, le joueur comprend très vite (bien plus vite, mais alors bieeeeeen plus vite que Lara) que c’est en fait un pouvoir mystique lié aux antiques occupants de l’île qui fait en réalité effet. Le but est donc simple : survivre, retrouver tout les copains, résoudre le mystère mystique mystérieusement mystérieux du bled et quitter l’île (qui a dit FarCry 3 ?! DENONCEZ-VOUS !). Mais là encore, ce qui compte vraiment, c’est pas tellement l’histoire proposée mais bien l’évolution de Lara à travers son épopée initiatique. Parce que bien-sûr, de toute l’équipe d’explorateur naufragés, c’est Lara, la seule du groupe à fêter sa première sortie, qui va monter à la filoche pendant que les autres attendent d’être secourus. BANDE D’ASSISTES ! Fragile, terrorisée au début du jeu, elle prendra confiance au fur et à mesure, allant au devant d’obstacles qui lui semble pourtant insurmontables. On ne manquera pas de trouver quelques clins d’oeil amusants comme « Je DETESTE les tombes ! » ainsi que des séquences tout simplement grisantes : la provocation de ses ennemis quand on arrive vers la fin du jeu, où Lara est devenue une vraie guerrière ou des passages narratifs transmettant des émotions diverses parfaitement maîtrisés, auquel le joueur ne pourra pas s’empêcher de réagir. Certes, les plus terre à terre pointeront du doigt une nette tendance à l’overdose : avec tout ce qu’elle prend dans la tête, la jeune fille se débrouille toujours pour se relever, faisant réellement passer John Rambo pour une danseuse étoile. A ça, on répondra que Lara Croft est une héroïne mythique et que si votre voisin Roger pouvait faire pareil, à quoi ça servirait, tout ça ?! Ajoutez à tout ceci les situations psychologiquement extrêmes que Lara traverse avec plus ou moins de brio et son doublage exceptionnel en anglais (en français, on m’a dit que c’était pourri, j’vous conseille de ne pas résister à son petit accent britannique enchanteur) et vous obtenez le récit épique de la naissance et la progression de l’héroïne préférée des gamers.
« Euh, Francis ! Ca va ? Nan je sais pas, t’as pas l’air au top là, tout écroulé brutalement dans l’herbe euh… Nan sérieux Francis fait pas l’con quoi ! Francis ? Bon écoute, j’vais m’approcher tranquillement de toi pour voir si t’es mort hein, n’y voit pas de tentative audacieuse de ma part, je crois pas en la bromance… C’est pour ça que je m’approche lentement, que tu te sentes pas oppressé, surtout. Et pis si y a besoin de secours euh… T’façon à mon avis, là, pour les secours, on est un peu en retard… »
Ce Tomb Raider est une bombe, c’est clair. Artistiquement abouti, il mérite le détour rien que pour la touche donnée à l’oeuvre. Si les gamers les plus hardcore resteront sur leur fin question difficulté, il leur sera tout de même bien difficile de rester indifférents aux charmes d’une Lara Croft plus attachante que jamais, à laquelle on se lie dès la première seconde. L’aventure est longue, haletante et passionnante, la réalisation à la hauteur du monument Croft. Toutefois, les plus anciens fans de la licence pesteront contre le manque d’énigmes et de tombes à explorer et une certaine linéarité dans la progression. Ceux qui diront que l’esprit Tomb Raider a un peu été oublié au passage n’auront pas tord non plus : faute de proposer un vrai retour aux sources, ce volet propose une vision nouvelle de la série, plus marquée par son époque, visant l’efficacité avant l’originalité. D’autres regretterons l’absence concrète de survival dans un titre pourtant annoncé comme axé sur cet aspect. Tomb Raider n’en reste pas moins une magnifique expérience, que seuls les trolls les plus extrêmes pourraient renier en bloc. Reste à savoir ce que Square Enix nous réserve pour l’avenir car la base est bien belle pour quelques aventures épiques sur consoles Next-Gen, d’ici deux ou trois ans (en espérant que Square Enix n’annualise pas les sorties, mais à priori, pour l’instant, c’n’est pas l’genre d’la maison…)
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